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* L'espoir fait vivre. *
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8 septembre 2007

Borderline !

Injures racistes, passages à tabac, intimidation et harcèlement : la zone d’attente de Roissy, a longtemps été la « honte de notre république ». À la première frontière de France, chaque année, 20 000 étrangers sont retenus jusqu’à l’éventuelle obtention de leur autorisation d’entrer sur le sol français.

A seulement 30 kilomètres de Paris, la «zapi 3» est installée en retrait de l'aéroport. Loin de tout service public, loin des regards curieux. Aujourd'hui encore, même en tant que journaliste, il reste extrêmement difficile d'obtenir une autorisation pour pénétrer en ces lieux. A moins d'accepter des conditions contraignantes: encadrement obligatoire par des policiers, interdiction d'adresser la parole aux étrangers. Leurs témoignages directs pourraient en effet nuire à l'image de «terre d'asile» soigneusement entretenue par la France. Il aura fallu deux décès pour que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, y autorise la présence de la Croix-Rouge française.

Parmi les médiateurs, Anne de Loisy. Journaliste indépendante, elle s'est fait embaucher sur son expérience précédente au centre d'accueil des clandestins de Sangatte (Pas-de-Calais). Ce sont les premiers pas hésitants et délicats que l'auteur livre à travers un carnet de bord. En 2005 sort son livre ironiquement intitulé Bienvenue en France! Passé « la peur qui lui noue l'estomac », elle raconte la « terrible sensation d'enfermement ». Double clôture, sas de contrôle d'accès, caméras de surveillance, fenêtres sans poignée, la zone d'attente compte 172 lits. Dans ce qui n'est ni un hôtel ni une prison, les « maintenus » peuvent y séjourner au maximum vingt jours.

Au fil de ses jours et de ses nuits en Zapi, Anne de Loisy est confrontée à des histoires qui la choquent. « J'ai eu des témoignages directs de violences, de personnes affirmant avoir reçu des coups et montrant les traces sur leur corps, raconte la jeune femme. Comment nier ces faits quand des certificats médicaux en attestent ? » Anne de Loisy dit avoir été marquée par le cas d'Isabela, une Vénézuélienne de 19 ans qui a fait l'objet d'un chantage sexuel de la part d'un policier pendant son transfert vers la Zapi.

En annexe du livre sont reproduits des extraits de plaintes manuscrites et les interrogations que le personnel de la Croix-Rouge reporte dans son « cahier de liaison » Le constat est accablant: la plupart du temps, les plaintes des étrangers maltraités ne sont tout simplement pas relayées. Ni par de courageux policiers, ni même par le personnel d'assistance de la Croix-Rouge française – qui préfère garder le silence pour continuer sa mission et éviter les confrontations directes. L’isolement entre les fonctions et les pressions sur les hiérarchies permettent à la loi du silence de fonctionner. Lorsque les marques de brutalités sont trop évidentes, les victimes sont réexpédiées par avion. Si un assistant social s'intéresse de trop près à un cas de tabassage, la police répond que le réfugié «s'est blessé tout seul». En se débattant, par exemple...

A en croire les policiers, les cas d'automutilation, plutôt rares, seraient devenus monnaie courante. «Pour eux, les réfugiés sont forcément de mauvaise foi. La violence se retourne contre les victimes, accusées d'être des fauteurs de troubles. J'aimerais qu'on m'explique comment un requérant d'asile peut avoir des traces de strangulation alors qu'il a les mains menottées derrière le dos», s'interroge la journaliste.

La seule chose à laquelle veille la police et ses auxiliaires, c’est qu’il y ait le moins de suicides possible. Les grèves de la faim sont nombreuses. Les rebellions existent et là la police cogne dur. Comme dans les cités, les provocations sont érigées en système et si on répond la brutalité policière se déchaîne.
«Traumatismes crâniens, écrasements des testicules, hématomes de plus de 10 centimètres de long... toutes ces violences sur des réfugiés, arrivés pleins d'espoir, sont avérées par des certificats médicaux. Les policiers profitent d'une vraie impunité», s'indigne la reporter.

«Malgré les grandes déclarations de Sarkozy, les violences continuent. Il y a encore une dizaine de jours, quatre Congolais et un Camerounais ont été tabassés». Leurs blessures étaient assez graves pour qu'un médecin leur délivre jusqu'à 15 jours d'interruption temporaire de travail. «Ces zones d'attente sont des zones de non-droit. On a la sensation que les réfugiés y sont considérés comme des sous-hommes, comme du bétail», remarque Anne de Loisy.

Sentiment d'impuissance face aux abus systématiques. Souvenir de visages creusés par l'angoisse. De vies brisées par l'injustice... Il y a le cas de cette réfugiée tchétchène, à qui les policiers demandaient de prouver l'identité des personnes ayant enlevé et tué son mari, avant d'accepter la considération de sa demande d'asile. Que répondre ? Elle a été réexpédiée à... Moscou. Et cette jeune Africaine, plutôt jolie, soupçonnée d'être parvenue en France grâce à un réseau de prostitution. On découvrira par la suite qu'elle était bien la fille d'un ambassadeur, comme elle ne cessait de le répéter depuis le début...

Qu'importent les bavures. Protégés par leur hiérarchie, les policiers s'entendent pour dégoûter à jamais les Asiatiques, Africains ou Sud-américains – qui constituent à parts égales la majorité des demandeurs d'asile – de leur bref séjour européen. "Les policiers sont eux-mêmes soumis à de fortes pressions. Ils doivent doubler le nombre de renvois vers l'étranger pour respecter les objectifs de Sarkozy."
Un éclairage à fleur de peau sur les pratiques inavouables de la France, terre d’asile, patrie des droits de l’homme... Nous sommes dans un lieu que les bien-pensants préfèrent ignorer.

Des enfants et des mineurs sont maintenus dans les zones d’attente au mépris des conventions internationales que la France a signé. Il arrive assez fréquemment que des enfants y soient détenus sans contacts avec l’un de leurs parents ou d’autres membres de leur famille. Ils sont expulsés d’où ils viennent sans prise en considération des risques encourus pour eux. La séparation des familles au sein des zones d’attente est une pratique courante. Elle fait partie de l’arsenal de harcèlement moral pratiqué par la police.

Très souvent les étrangers ne peuvent pas récupérer leurs bagages. Ceci a plusieurs causes ou conséquences, selon le point de vue choisi :
- Les personnes ne peuvent se changer ou revêtir des vêtements chauds s’ils ou elles en ont besoin.
- Ces bagages contiennent souvent des documents importants nécessaires aux démarches administratives pour l’entrée et le séjour, pour la demande d’asile ou pour la suite du voyage. Ceci permet à la police de pratiquer des abus de pouvoirs sans que les personnes puissent se défendre et prouver quoi que ce soit.
- Si les personnes sont expulsées ou renvoyées, elles sont plus faciles à contraindre si elles n’ont aucun bagage, ce qui constitue un avantage important pour la police.

§ L’accès aux conditions d’hygiène une difficulté récurrente, ceci accentue la fatigue des personnes. Les personnes affaiblies résistent plus difficilement.

§ L’accès au téléphone est rendu difficile par le nombre trop restreint de cartes téléphone mis à disposition des personnes retenues et par les difficultés de change. La raison de ces difficultés est simple : ceci limite les possibilités pour se défendre ou contacter qui il faut pour se faire aider de l’extérieur.

§ Très souvent la police confisque les papiers des personnes, y compris les documents internes à la zone d’attente, les papiers officiels délivrés par l’État français. Ceci rend très difficile la compréhension des procédures en cours et contribue au sentiment de panique que ressentent les personnes.

§ Les conventions internationales et le droit français prévoient que les personnes ne parlant pas français puissent bénéficier d’interprètes. Cette disposition est assez peu appliquée. Il arrive que cette possibilité soit mise en œuvre par téléphone. La plupart du temps les personnes, bloquées en zone d’attente et ne parlant pas français, ne comprennent pas ce qui leur arrive ni les procédures dans lesquelles elles sont impliquées. C’est un facteur de stress évident.

§ L’accès à la nourriture est limité à des horaires bien précis, tant pis pour les personnes qui arrivent trop tard ou qui sont au tribunal. Priver de nourriture est un bon moyen de diminuer la puissance des humains et d’augmenter la supériorité physique et psychique de la police.

§ Se procurer des cigarettes ou des serviettes hygiéniques est très difficile. Il est impossible de cantiner, comme c’est le cas dans les prisons “ normales ”. Aucun distributeur de boissons ou de nourriture au sein des zones d’attentes Les obstacles aux opérations de la vie quotidienne font partie du harcèlement et des privations, dont sont victimes les personnes enfermées dans les zones d’attente de Roissy. L’inconfort contribue au malaise des personnes.

§ Le repos n’est pas facile en zone d’attente. Au stress du à la situation, s’ajoute le stress entretenu par les appels stridents des hauts parleurs, y compris la nuit. Les personnes sont réveillées régulièrement à 3 heures du matin pour être disponibles pour 7 heures du matin. La privation de sommeil est considérée comme une torture par certains organismes humanitaires. A Roissy, c’est quotidien.

§ La peur est permanente et les intimidations de tous ordres entretiennent cette peur. Les abus de pouvoir sont aussi courants que les violences physiques et psychologiques. Les insultes et le racisme sont une banalité.

§ Les violences sexuelles existent, mais elles sont très difficiles à prouver et à rendre publiques. Les policiers auteurs de ces violences sexuelles sont quasiment intouchables, quoiqu’en dise les politiques lorsqu’un scandale éclate.

L’auteure nous montre que notre pays est celui de la brutalité policière et des mauvais traitements. Ici tout le monde est suspect et coupable a priori, l’exclusion et la ségrégation fonctionnent à plein régime. La frontière un espace, où seule la force policière règne. La forteresse Europe est liée par nature à la souffrance. Il ne peut en être autrement, c’est la fonction même de cette forteresse. Le but de la fermeture des frontières est bien d’exclure des personnes et de bloquer l’entrée de certains humains. Refuser cette souffrance, c’est refuser cette forteresse, vu les désordres de la situation mondiale.

Act’Up a raison de dire que Le Pen a gagné. Les fascistes n’ont pas besoin d’adhérer au FN, ils peuvent exercer librement leur racisme et leur violence dans la police. Pour que la bonne conscience continue, on cache le fascisme policier qui œuvre à la frontière à Roissy et ailleurs. Nous sommes bien dans la biopolitique xénophobe, une version bouchère de la gestion des corps et des esprits. Dans les zones internationales et les zones d’attente situées à Roissy le sexisme, le racisme, la xénophobie peuvent s’exercer ouvertement, c’est devenu une banalité. La hiérarchie de la police couvre et les ministres fanfaronnent en réduisant les humains à des chiffres. La Croix rouge et l’Omi sont des cautions de toutes ces violences étatiques et complices du fascisme policier, même si un certain nombre des personnes de ces institutions essaient de rester humaines avec les étrangers/ères. Plus les politiques demandent d’augmenter le nombre des reconduites ou de fermer les frontières, plus la violence contre les étrangers/ères aux frontières augmente.

Seules de rares organisations civiles, comme l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé, regroupant une vingtaine d'associations), continuent leur travail d'information, en dénonçant l'insupportable.

Quelqu’un a dit : «et après on vient taper sur la Turquie pour les Droits de l'Homme.»

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